Les carnets de Terry - Rencontre avec les Haltijas
Par Nausicaa le 1 déc. 2024, - Édition 226 - Lien permanent
La Laponie est une région transnationale couvrant le nord de la péninsule scandinave et regroupant des territoires norvégiens, suédois, finlandais et russes. Si les températures peuvent dépasser les 25°C dans certaines zones l'été, elles descendent souvent aux alentours de -40°C dans l'intérieur des terres en hiver. Elle est peuplée de Samis, sa population humaine autochtone.
Aujourd'hui, je vous invite à découvrir d'autres êtres, propres à la Laponie, les Haltijas, qui sont comme des esprits de la nature ou des gardiens, ressemblant à des hommes et des femmes aux corps élancés et avec de longues oreilles pointues.
Il existe différents types d'haltijas, chacun lié à un aspect particulier de la nature ou à un environnement. Je vais vous faire découvrir trois catégories d'haltijas : les Metsänhaltijas, les Vedenhaltijas et les Kotihaltijas. Si ce sont des êtres bienveillants et pacifiques, ils sont fiers et défendent leur habitat grâce à leur magie.
Tous les haltijas naissent de la nature et avec déjà les traits de jeunes adultes. Ils semblent dotés d'une forme de jeunesse éternelle puisqu'ils ne vieillissent pas. Certains d'entre eux ont déjà plusieurs centaines d'années mais gardent l'apparence de jeunes gens. S'ils vivent souvent en couple, ils ne peuvent avoir d'enfants et en cela diffèrent des autres êtres de la classification internationale des créatures magiques.
Les Metsänhaltijas sont des esprits de la forêt, protecteurs des bois et des animaux sauvages. Ils naissent d'un fruit qui pousse au milieu d'un nouveau bosquet et puisent leur magie des arbres et des plantes qui poussent autour d'eux. Ils sont donc incapables de quitter le lieu qui les a vus naître, et meurent si le bosquet disparait. Ils se nourrissent des fruits de leurs cueillettes (baies, champignons, herbes) et s'abritent, le plus souvent, en cas d'intempéries, au creux d'un vieil arbre. Selon les individus, ils portent des vêtements qu'ils tissent ou qu'ils fabriquent avec de la mousse, des feuilles et des tiges.
Ils viennent en aide aux animaux blessés par les moldus et les sorciers, et maitrisent parfaitement l'art des baumes, des onguents et des décoctions. Il arrive qu'ils enseignent leurs savoirs à des personnes qu'ils jugent dignes de les apprendre, mais cela est très rare, puisqu'ils se méfient en général des humains qu'ils trouvent bien trop sûrs d'eux-mêmes et destructeurs. Ils vivent en communion avec la nature qui les entoure et se dissimulent facilement aux yeux de ceux qu'ils ne désirent rencontrer. Les Metsänhaltijas comme tous les Haltijas aiment passer du temps à regarder le ciel, le mouvement des astres, mais à la différence des centaures, ils ne cherchent pas à connaître les événements à venir dans les étoiles. Pour cela, ils dialoguent avec les plantes de la forêt.
Les Vendenhaltijas sont des esprits de l'eau, habitant les rivières, les lacs et les mers. Ils naissent d'une source d'eau qui apparaît, grossit et disparait en laissant derrière elle un haltija. Ils puisent leur force dans les eaux près desquelles ils sont nés et comme les Metsänhaltijas sont attachés aux lieux qui les ont vu naître. Ils sont plus impétueux que leurs homologues des forêts et fuient en général les êtres humains. Ils passent de longues heures dans les profondeurs, où ils se nourrissent de poissons et d'algues. Leur magie est liée à l'eau et ils sont capables de déchainer les tempêtes de pluie ou de neige. Il n'est pas rare de les voir marcher au bord de l'eau durant la nuit, seuls ou à plusieurs, ou de les apercevoir discuter entre eux sous la pluie, calmement assis sur un rocher.
Les Kotihaltijas vivent directement au contact des humains, même s'ils restent la plupart du temps très discrets et si ces derniers ignorent leur existence. Ce sont les esprits du foyer, veillant sur la maison et le bien-être de la famille. Ils naissent des braises du foyer, et sont des experts en sortilège d'extension. Ils vivent ainsi dans une pièce construite à l'intérieur de la cheminée grâce à ce sortilège. Tout en respectant la liberté des habitants du foyer, ils n'hésitent pas à apaiser les conflits, à donner un coup de pouce à leurs protégés afin qu'ils aient plus d'opportunités de réussites et qu'ils courent moins de risques dans un environnement assez hostile pour l'être humain. Ils pratiquent régulièrement la légilimancie pour entrer dans l'esprit de ces derniers, non pour leur dicter leur conduite mais pour leur apporter un peu d'espoir et de confiance en eux, notamment au travers de leurs rêves. Ces haltijas ont bien souvent une vie bien plus courte que les autres car ils sont sensibles aux épreuves et aux malheurs qui s'abattent sur le foyer et si ce dernier perd son espérance, ils cessent d'exister.
La musique est un art essentiel pour tous les Haltijas et il n'est pas rare d'entendre certains Metsänhaltijas jouer d'une sorte de petite guitare lors des longues nuits d'hiver. Ces airs de musique sont parfois accompagnés de chants évoquant le vent dans les branches ou les chants des oiseaux. Les Vedenhaltijas préfèrent eux jouer de la lyre ou de la harpe et leurs chants évoquent le murmure de l'eau ou le grondement des torrents. Enfin les Kotihaltijas jouent en général de la flûte sur des airs assez festifs, accompagnés de poèmes et de danses.
Au cours de mon long périple en Laponie, j'ai eu la chance de rencontrer un Metsänhaltija, moins farouche que les autres, et enclin à entrer en contact avec des sorciers pacifiques. Je décidai donc de réaliser un petit entretien avec lui, après avoir dû pendant plusieurs jours lui montrer que mes intentions étaient bonnes et que je n'avais aucune intention de menacer son habitat. Ce jeune Metsänhaltija, âgé d'à peine 70 ans, se prénomme Korpikuu, ce qui signifie littéralement "lune de la forêt profonde".
TERRY : Bonjour Korpikuu et merci d'avoir accepté de répondre à quelques unes de mes questions. Pour commencer, pourrais-tu me dire qui es-tu ? Qu'est-ce qu'un Metsänhaltija ?
KORPIKUU : Gardien des mystères et des secrets anciens,
Je veille sur la mousse et le lichen serein,
Je suis l’ombre douce qui file entre les pins,
L’écho des vents murmurant au creux du chemin.
Je ne suis ni homme, ni dieu, ni autre chimère,
Mais l’âme du bois, une part de cette terre.
Au matin, mon souffle fait danser les feuillages,
Mon chant murmure, le soir, dans les vieux bocages.
TERRY : Comme tu as accepté de dialoguer avec moi, permets-moi de te demander quel est ton rapport aux humains.
KORPIKUU : Je connais vos joies, vos peurs, ainsi que vos quêtes,
Vos mains qui façonnent, vos cœurs toujours en tempête.
Car au fin fond de votre être, un écho demeure :
Un fragment de la forêt, battant dans vos cœurs.
Si vous arrachez mes arbres, éteignez mes chants,
Sans cesse je vous pardonne toujours aimant.
Car je suis patience, je suis une mémoire,
Je vois en vous, malgré tout, l’éclat de l’espoir.
Ô humains, revenez à vos racines profondes,
Au calme des bois, à la sagesse du monde.
Je suis Metsänhaltija, un frère oublié,
Prêt à vous accueillir, si vous nous respectez.
TERRY : Peux-tu m'expliquer les différences entre toi et les Vedenhaltijas ?
KORPIKUU : Je suis la sève qui coule dans les racines,
Le murmure des feuilles, sous la lune câline.
Mon royaume s’élève en un vert sanctuaire,
Un monde d’écorces, de plantes et de lumière.
Les Vedenhaltijas, eux, s'amusent et chantent,
Dans l’éclat des rivières et des lacs qui dansent.
Si leur cœur est mouvant et leur voix cristalline,
Ils emportent des secrets dans l’eau qui chemine.
Moi, je suis la forêt, dense, sauvage et paisible,
L’écho des loups, des rennes, le royaume immobile.
Eux, ils sont le mouvement, la danse infinie,
Ils sont l’étreinte des flots, un hymne à la vie.
Cependant, nous partageons une âme commune,
Un amour des astres, du soleil, de la lune.
TERRY : Et quelles sont les différences avec les Kotihaltihjas ?
KORPIKUU : Les Kotihaltijas, eux, vivent entre vos murs,
Parmi la chaleur douce de vos foyers sûrs.
Gardiennes discrètes de vos vies si fragiles,
Elles veillent sur l’intime, l’espace tranquille.
Là où elles protègent la maison et le cœur,
J’accueille les errants, l’âme en quête d’ailleurs.
Quand elles chuchotent au coin des cheminées,
Je chante dans la brume et les pins des vallées.
Ainsi, je suis la nature, le vaste et l’ailleurs,
Elles sont l’abri, le doux refuge du cœur.
TERRY : Merci beaucoup pour tes réponses. Dans quelques semaines, nous célèbrerons la fête de Noël. Pour conclure, quel vœu aimerais-tu formuler à cette occasion ?
KORPIKUU : Au cœur de l’hiver, dans la clarté des étoiles,
Je formule un vœu, doux et léger comme un voile.
Que vos cœurs s’apaisent dans l’écho des sapins,
Et que la paix refleurisse au creux de vos mains.
Souvenez-vous des bois, de la terre endormie,
De la vie qui murmure, sous la neige infinie.
Puissiez-vous trouver dans la lumière fragile,
Un reflet du silence, une force subtile.
Pour Noël, je vous offre un secret éternel :
La nature est notre mère et un fraternel
Refuge. Honorez-la, respectez son essence,
Alors elle vous rendra un amour immense.
Commentaires
Cet article absolument sublime (et je pèse mes mots), plairait certainement à Mus, nymphe et professeur de Langues et dialectes magiques. Je suis réellement admirative de l'imagination de Terry et des créatures qu'il met en scène, célébrant la richesse et l'importance de la nature dans nos vies, un bien inestimable !
Les poèmes, en réponses aux questions posées, sont également des pépites ♡♡
Et puis, les illustrations sont des merveilles ♥️.
Je verrais bien cette série de magnifiques articles de Terry en Laponie rassemblés en un véritable ouvrage qui pourrait être édité.
C'est tellement bien écrit et illustré et tellement dans l'esprit de Noël que j'en reste sans voix ! J'ai adoré l'histoire et les images, c'est délicat, merveilleux, et en plus ça sonne juste et les poèmes sont d'une grande qualité. Beaucoup de talent dans cette histoire, merci et félicitations.
C'est tout simplement merveilleux. Un magnifique texte, de magnifiques illustrations... Je ne peux imaginer le travail et le temps passé rien que sur un article comme celui-ci - et on a eu droit à tout un calendrier !
Ce voyage que tu fais, Terry, est complètement magique. C'est incroyable que tu aies pu interagir avec les créatures dont tu nous parles, et quelle poésie dans leurs mots !... Je n'en finis pas d'être étonnée par cette Gazette. Merci !