« Cradou ? »

Un marmonnement étouffé fut son unique réponse. Levant les yeux au ciel, Alexeievna se leva de son siège, qui depuis qu’elle y était, avait pris la forme de ses fesses, et s’approcha de la créature, baguette en main. D’un sort, elle fit léviter toute la paperasse, dévoilant un elfe aussi épuisé qu’elle.

« Je crois qu’il va falloir faire quelque chose, vous savez ?
— Disons que je commence à m’en douter. »

La bibliothécaire envoya tous les parchemins sur son bureau déjà surencombré, en se demandant la tête qu’allaient faire ses collègues en voyant un tel bazar et une telle masse de travail. Puis, elle s’affala à nouveau dans son fauteuil et soupira. Cradou, l’elfe, s’approcha en se frottant nerveusement les mains.

« Qu’allons-nous faire, maintenant ?
— Va te coucher, il commence à se faire bien trop tard, souffla-t-elle en voyant l’aube apparaître derrière les vitres poussiéreuses de son bureau. Je m’occupe d’un communiqué pour demain. Tu pourras t’occuper de le placarder dans nos allées ?
— Cradou s’en fera un plaisir ! »

Alexeievna acquiesça et l’elfe disparut dans un claquement de doigt. Entre les parchemins noircis d’encre qui s’étalaient devant elle, elle en dégota un partiellement blanc, déchira la partie qui l’intéressait et se mit à rédiger :

Chers auteurs,
les bibliothécaires se voient actuellement recevoir un grand nombre de parchemins à la validation. Malgré leur dévouement, un retard impressionnant a été pris en raison de nouveaux arrivants et de publication au nombre de chapitres mirobolant. Nous vous prions donc dorénavant d’éviter de nous envoyer l’intégralité de vos écrits d’une traite pour ne pas noyer le flux de parution et que tout se passe au mieux pour la validation. Nous nous excusons pour le retard pris et la gêne occasionnée, nous essayons de régler le problème au plus vite.
Bien à vous, 
L’équipe de la bibliothèque.


Une fois sa plume posée, elle pencha sa tête en arrière, sur le dossier de son fauteuil, et s’endormit en un clin d’œil, profitant du peu de temps qui lui restait avant que la Grande Horloge ne sonne pour annoncer les huit heures du matin.