8 juillet 2014. 18h37. Un bureau sombre côtoyant le stade de Quidditch.

Un peu anxieuse par la rencontre qui allait se dérouler, j’avais pris de multiples précautions, un peu trop même. Non seulement j’avais vérifié maintes fois le calendrier lunaire pour choisir ma date de rendez-vous, mais j’étais également dotée de nombreuses protections, réelles ou supposées, me basant autant sur les récits et textes scientifiques sur la lycanthropie que les croyances de ma grand-mère à ce sujet. C’est ainsi que je rejoignis le stade de Quidditch, parfumée d’ail, un crucifix autour du cou et un poignard d’argent habilement caché dans la manche, risquant probablement de me blesser en premier, avant qui que ce soit d’autre. Malgré tout mon attirail, j’étais encore nerveuse et un peu nauséeuse de ce que j’allais faire. Mais l’odeur d’ail persistante, picotant mes narines n’était peut-être pas sans incidence sur la réaction de mon estomac. C’était donc avec une main tremblante que je frappais à la porte du bureau, m’attendant presque à un grognement animal en réponse. C’était donc avec surprise que j’entendis une voix des plus humaines me priant d’entrer.

Le bureau était plongé dans la pénombre, offrant un aspect assez inquiétant et une ambiance à faire froid dans le dos. Le visage du sujet de mon article, à moitié caché dans l’obscurité, lui donnait un air de mafioso jugeant son interlocuteur avant de prendre la parole. Pour un peu, je m’attendais presque à voir s’élever un filet de fumée d’un cigare et une voix rauque me parler. Mais la politesse exigea que je la salue d’abord.

- Nora Bailyn : Euh….Bonsoir Mrs Poivre. Au nom de toute la rédaction de la Gazette du Sorcier, je vous remercie pour le temps que vous avez bien voulu nous consacrer pour cette interview.

M’attendant à une réponse ou au moins un feulement sauvage, agressif, me montrant des dents pointues, signal que malgré l’invitation, je fus à nouveau surprise une voix « normale » et finalement tellement humaine que je me demandais si l’info que j’avais reçue était bien réelle, peut-être que l’arbitre n’était pas du tout lycanthrope mais avait juste développé une maladie étrange qui donnait des poils.

- N.B. : Bien, hem… nous allons commencer. Depuis combien de temps êtes-vous un loup-garou ?

- Eugènie Poivre : C'est très récent je dois dire. Depuis que je suis employée comme Arbitre ici même donc quelques mois seulement.

- N.B. : Racontez-nous un peu comment cela s’est produit, voulez-vous ?

- E.P. : Bon, je crois que j'ai été très imprudente sur ce coup là. Une ballade dans la forêt interdite m'a confirmé que je pouvais avoir la tête dans les étoiles. Il a suffi d'une inattention et... je me suis fait mordre. Par un Loup-Garou de Poudlard.

Je sursaute en entendant cette révélation et je sentis la question venir jusqu’au bord des lèvres : « qui à Poudlard ? » mais tenue par un principe de déontologie absurde, je me retiens, tout en me promettant d’investiguer un peu plus sur la question. Je me force donc à poursuivre avec ma liste de questions prévues.

- N.B. : Quel a été votre première pensée en prenant conscience de ce que vous êtes devenue ?

- E.P. : Je crois que je me suis sentie extrêmement faible. Mon avenir se trouvant soudainement compromis. Sérieusement, qui voudrait côtoyer une personne atteinte de lycanthropie ? Le sentiment d'abandon m'a alors submergée. Me disant que lorsque les gens commenceraient à savoir, je me retrouverai toute seule.

A nouveau, j’ai envie de demander ce qu’il en serait de sa romance avec la propriétaire des Trois-Balais connue de tous mais je pense que ce serait peut-être un peu déplacé. Je me mords donc la lèvre, réfrénant ma curiosité avant de continuer.

- N.B. : Comment sentez-vous le regard des autres depuis votre transformation ?

- E.P. : Justement... Ça diverge un peu. Je crois avoir raison en disant que les gens ne sont pas rassurés en se retrouvant en ma présence. Mais il s'agit d'une appréhension de leur part. Et je dois remercier Hevi Shawn qui m'a finalement fait comprendre que j'étais toujours la même. Plus ou moins. J'ai repris peu à peu confiance en moi depuis. Mais... Les gens doivent savoir que la lycanthropie n'est qu'une partie de moi.

 Ah bon ? Hevi Shawn a accepté sa condition ? On devrait faire un article sur les tendances zoophiles de certains membres du personnel...

- N.B. : Est-ce que ce changement chez vous va avoir un impact sur votre poste d’arbitre ? Continuerez-vous à travailler normalement ?

- E.P. : Non. De ce côté là il n'y a pas vraiment de changement. Je deviens juste... agressive les jours entourant la pleine lune. Donc j'éviterai juste de me frotter aux entraînements et matchs ces jours-ci. Et quant aux jours de pleine lune. Je ne travaillerai tout simplement pas.

- N.B. : Est-ce que les loups-garous ont leur propre équipe de Quiddich ?

- E.P. : Oh non. Mais j'aimerai bien. Ça pourrait être sympa comme concept- N.B. : Concrètement, à la pleine lune, que faites-vous ? Vous restez à Poudlard ? Ou vous jouez au Monopoly avec d’autres potes lycanthropes ?

- E.P. : J'aime beaucoup le Monopoly... mais oui je reste à Poudlard. Ou dans les environs. Il m'arrive de passer les nuits de pleine lune avec d'autres lycanthropes. Rassurant n'est ce pas ?

- N.B. : Avez-vous remarqué une tendance à manger votre viande plus saignante depuis votre transformation ?

- E.P. : Légèrement. Mais ce n'est qu'un détail. On apprend à vivre avec. Et c'est une habitude à prendre.

- N.B. : Etes-vous plutôt thé ou café ?

- E.P. : Café. Mais pas n'importe quel café. Je préfère par dessus tout le café que peut me faire Hevi.

- N.B. : Question pilosité, vous assumez votre fourrure ? Conseillerez-vous aux sorcières actuelles de suivre la tendance « je laisse mes poils et j’en suis fière » ?

- E.P. : Si la fourrure est là c'est bien pour une raison non ? Alors oui, la mode est aux poils cette année. Personnellement ça ne me dérange pas trop.

- N.B. : Un dernier mot pour la fin ?

- E.P. : Un conseil : Si vous voyez une boîte de Monopoly, courrez. Vite et très loin.