Quelques secondes de course folle suffirent pour que Xania et moi trouvions enfin un « refuge ». Cachés sous le bureau massif de Clara, nous ne pouvions qu’entendre le râle des zombies qui s’étendait à chaque pièce tel un nuage empoisonné. Tout ce que j’espérais, c’était qu’eux n’entendent pas le frémissement de nos membres ou le claquement de dents que ma collègue peinait à réprimer.

- Que se passe-t-il ? me murmura-t-elle. Mais je n’avais aucune réponse à lui apporter. Ce qui se passait était survenu tel un éclair et je ne me l’expliquais toujours pas.

- Nous devons nous enfuir, dis-je enfin. Si nous restons là, ils finiront par nous trouver.
- Hors de question que je sorte d’ici !
- Moins fort !

J’espérais que le coup de sang de Xania ne soit pas parvenu à Leurs oreilles. Je n’entendais aucun bruit de pas. Seulement le souffle rapide et le battement fou de nos cœurs. Je sortis lentement de sous le bureau pour pouvoir évaluer d’un bref regard nos chances de survie. Je tournai la tête en direction de la porte de sortie ; et mes yeux croisèrent ceux de Wilde.

- XANIA ! hurlai-je.

Je vis les narines du mort-vivant se relever : sans doute avait-il flairé notre présence et patienté jusqu’à ce que nous nous trahissions. Je le vis tendre ses bras en décomposition vers moi, prêt à se saisir de moi ou à m’étrangler ; mais je puisai aussitôt dans mes maigres forces pour repousser violemment le bureau sur lui. Xania cria de surprise. Je pris sa main et profitai de la brève diversion pour m’élancer avec elle hors du bureau.

Nous entendions dans chaque pièce et chaque couloir le râle des zombies et les hurlements de nos collègues. Nous nous fixâmes, paniqués ; lorsque les lumières des couloirs s’éteignirent soudain. Xania et moi nous plaquâmes contre un mur, tâchant de nous faire les plus discrets possibles. Je sentis de nouveau sa main se saisir douloureusement de la mienne, comme à la recherche d’une prise pour ne pas sombrer dans la folie.

- Tout va bien se passer, lui soufflai-je sans réelle conviction.

Je me souvins des nuits de terreur que je passais enfant chez ma grand-mère, lorsque je dormais dans une chambre totalement obscure. La peur du noir, et des choses qui pourraient s’y agiter la nuit jusqu’à mon lit pour m’emporter dans quelque tanière cauchemardesque. Cette peur, en vérité, ne nous abandonne jamais. Aveuglé par les ténèbres, la peau couverte de frissons, je guettai le moindre son, le moindre mouvement, la moindre odeur pouvant m’alerter sur la présence des zombies. Une pestilence rôdait dans ce couloir, et un gémissement de moribond. L’un d’eux était tout près... Je voulus rassurer une fois de plus Xania et je pris alors conscience que je ne voulais rassurer que moi. Elle se contentait de me serrer la main. De me serrer très fort... très fort...

- Tu me fais mal, osai-je murmurer.

Mais son étreinte ne s’adoucit pas. Malgré la panique, je ne comprenais pas comment cette frêle jeune femme pouvait me comprimer la main avec tant de force. Je voulus alors m’en défaire ; mais dans le frottement de nos deux mains, je sentis un lambeau de chair se détacher de la sienne. Je me souvins soudain...

Ils peuvent nous flairer.

Et à peine pris-je conscience de ce qui s’était produit dans le noir que la lumière du couloir se ralluma ; et je vis la main décomposée de Rawen sur la mienne, et son visage cadavérique fondre gueule ouverte sur le mien.

Article écrit par Adrian et illustré par Wilhemina.